Indéterminations
Collectif, Exposition - Galerie & bureaux
Exposition en duo de Danielle Cormier (Québec) et Tyna Awad (Montréal)
Un intérêt marqué pour la contingence recoupe le travail sculptural des deux artistes réunies pour ce projet d’exposition, chacune ayant recours à des procédés de fabrication où l’objet émergeant est inédit, sa forme difficilement prévisible.
Dans les œuvres de Tyna Awad, l’instinct guide la création dans un procédé où l’errance permet de recevoir les surgissements imprévus et de les intégrer dans l’objet final. L’inattendu devient alors une opportunité pour laisser le médium exprimer sa nature. Les expérimentations de l’artiste l’amènent ainsi à osciller entre la méthode et le lâcher-prise.
La cire est apparue à Tyna Awad comme le vecteur par excellence pour explorer l’indétermination. La faisant interagir avec différents matériaux à différentes températures, l’artiste prédétermine des paramètres initiaux, tels la couleur ou encore la quantité de cire, puis laisse libre cours à la réactivité de la matière. Elle rassemble ensuite les objets générés, qui sont liés par leur genèse.
Les sculptures de plâtre de Danielle Cormier, elles, sont réalisées dans un processus de révision des techniques d’empreinte et de moulage. Dans son approche, le moulage, normalement destiné à la reproduction de formes préexistantes, est utilisé sans original, l’objet émergeant se donnant comme la copie de rien. Dans ce travail, les contraintes propres aux moyens utilisés pour délimiter se répercutent dans l’objet fini comme des auto-significations, faisant de la permissivité du plâtre avant sa prise la qualité constitutive de l’objet qu’il concrétise.
Les objets que présente Danielle sont issus d’une tentative de mouler de la glace. Celle-ci se liquéfiant au contact de la chaleur, le processus même de la copie altère les forme qu’il tente de reproduire en vain.
Pour les deux artistes, la matière évolutive, dans son état d’indétermination formelle, est élémentaire. De la convergence de leurs approches respectives découlent des échos formels, mais aussi, conceptuels. Chacune explore la limite de ce qui fait l’objet, et investigue le moment où prend corps une matière à priori informe. L’une comme l’autre s’intéresse à la marge d’indétermination dans le processus de fabrication. Toutes deux génèrent des collisions entre l’anticipation et la surprise, entre la détermination et l’indétermination. En découlent des formes qui font état de leur propre condition d’objet, mais aussi de la grande disponibilité qu’a eue la matière qui les compose.
VERNISSAGE
22 septembre de 17h à 20h
Confirmez votre présence
Danielle Cormier
Artiste
« Je conçois l’objet comme un espace.
Prenant pour ancrage les procédés d’empreinte et de moulage, ma pratique d’atelier se déploie à la frontière entre la détermination intentionnelle des choses et leur surgissement. Bien qu’elle se veuille éminemment intuitive, il est possible d’en dégager deux axes principaux. Elle s’intéresse d’une part aux techniques de fabrication comme processus organiques, puis de l’autre, elle se fascine par la mouvance des matières évolutives. Elle attend une sensation de crédibilité des objets, à la fois conséquents de ce qui les constitue et de leur mode d’émergence.
Mon travail de l’objet est souvent marqué par la cohabitation de différents types de surfaces aux temporalités propres, unifiées par la matière qui les compose. Il exploite les qualités inhérentes aux matériaux, qui sont utilisés pour délimiter, à l’affût d’une réciprocité traduite dans l’objet qui en découle. Par exemple, la malléabilité de l’un, ou encore la planéité de l’autre. Il distingue les actes visant l’émergence des objets, tels que remplir, retenir, soutenir, faire tenir ou scinder ; la distance entre ces différentes manières de construire se trouvant nivelée par la matière continue, monolithique.
Mon matériau de prédilection est le plâtre, matière évolutive caractérisée par son indétermination formelle initiale. D’abord liquide, permissif, il s’épaissit progressivement, jusqu’à ce qu’il s’arrête, se figeant en une forme à la fois contingente et nécessaire. J’aime penser qu’il subsiste, à même la chose concrétisée, quelque chose de la potentialité d’être autrement, propre à la matière liquide; une ouverture à ce qui pourrait être qui trouble la limite des choses qui sont.
En plus de s’attarder à la fabrication de choses, ma recherche est attentive à l’espace architectural, qu’elle tente d’activer, d’actualiser. Elle s’intéresse à une sensation paradoxale de la venue à la présence du vide découlant de la présentation de choses concrètes dans un lieu. La spatialisation génère des situations où, à la fois, l’être et la relation importent. Il en résulte une sensation de silence dense, un épaississement du temps, une intensification de ce qui est là. »
Biographie
Danielle Cormier vit et travaille à Québec. Elle termine actuellement une maîtrise en arts visuels à l’Université Laval, où elle occupe différents postes d’assistanat, en enseignement et en recherche. Son travail a été présenté lors de l’exposition individuelle Fragment du réel, centre Atoll, Victoriaville, en 2021, ainsi que dans le cadre de différentes expositions collectives et évènements publics, dont Naturfact, Université Laval, Québec, en 2023 (commissaire : Geneviève Chevalier), Peinture Fraîche et nouvelle construction – 16e édition, Galerie Art Mûr, Montréal et Banc d’essai – 15e édition, Galerie des arts visuels, Université Laval, Québec, en 2020. Au printemps 2023, elle était en résidence au centre AdMare, aux Îles-de-la-Madeleine, dans le cadre du projet Les interstices, en collaboration avec Vincent Thériault. Elle a été récipiendaire de différents prix et bourses au cours des dernières années, dont la bourse au soutien des arts Jacques-Simon-Perreault ainsi qu’une bourse du fonds Grant-Mathieu en 2020, et le prix VU en 2021. La même année, elle figurait parmi les étudiantes présélectionnées pour représenter l’Université Laval au concours pancanadien Premières Œuvres, de BMO. Enfin, elle a récemment obtenu une bourse de maîtrise du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada en 2022.
Tyna Awad
Artiste
Sa pratique s’appuie sur l’art relationnel, la fabrication de papier à partir de vêtements ainsi que le travail de la cire. Sa recherche s’intéresse à la manière dont le hasard se présente et se déploie dans les interstices qui se forment dans les relations entre corps et objets. Omniprésent, le hasard est une composante clé de sa recherche, il lui sert d’outil de travail et est perçu, dans son approche, comme corps à la fois indépendant et générable. Tyna travaille à engendrer des situations où le hasard prend place pour ensuite observer la manière dont il s’exécute dans les paramètres qu’elle prédéfinis. Elle l’observe, s’y adapte et tente de le mettre de l’avant. À sa recherche dans tout ce qu’elle crée, il est intrinsèque à son approche des thèmes de la corporalité, de la nature et de la mémoire.
Sa pratique explore activement la synthèse paradoxale entre la méthode et le lâcher-prise. Afin d’y parvenir, elle détermine certains paramètres à l’avance, puis elle m’applique à porter une attention flottante tout au long du processus créatif. Cette attention, qu’on pourrait qualifier d’outil de travail, la force à observer le déploiement d’une situation et à s’y ajuster. Autrement dit, cet outil de travail lui offre l’opportunité de réajuster ses attentes face à la matière et aux rencontres. Ainsi, l’attention flottante impose un lâcher-prise qui lui permet d’accueillir l’imprévu comme il se présente et elle travaille avec et autour de celui-ci.
Biographie
Diplômée du Baccalauréat en Arts visuels et médiatiques à l’UQÀM, Tyna Awad est une artiste multidisciplinaire qui vit et travaille à Tiohtià :ke (Montréal), territoire autochtone, lequel n’a jamais été cédé. Elle reconnaît la nation Kanien’kehà :ka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles elle vit. Elle occupe occasionnellement des postes d’assistanat en recherche pour des artistes sculpteurs. Durant son parcours universitaire, elle s’est impliquée au sein de sa communauté en tant qu’auxiliaire de recherche en sculpture (bois). Son travail est présenté dans plusieurs expositions collectives notamment, à la Place des Arts et à la Galerie de l’UQÀM, puis à une exposition autogérée à l’ancienne École des Beaux-Arts (Montréal). À la fin de son parcours universitaire, elle figurait parmi les étudiantes représentant l’UQÀM au concours pancanadien Premières Œuvres, de BMO. Dans la dernière année, elle a organisé une exposition duo autogérée et participé à l’encan silencieux Faire Papier, tenu par l’atelier Retailles.